Patrick Smets
L'auteur
Patrick Smets est né le 17 décembre 1973 à Bruxelles. Il est doublement diplômé de l’Université Libre de Bruxelles, avec un master en sciences politiques et une thèse de doctorat en sociologie.
L'idée première de mon roman provient de la découverte de l'univers Steampunk, une tendance de cosplay et d'art and craft qui mélange aux tenues victoriennes des éléments punks. Le tout inspire un univers centré sur l'élégance, la technique, la machine à vapeur. L'envie d'explorer les enjeux sociaux et politiques d'un prolongement de la Belle Époque donne progressivement naissance au roman A.E.I.O.U., où je mêle mon goût de l'histoire politique à celui de la grande littérature du XIXe siècle.
Parmi mes nombreuses vies parallèles et mes diverses expériences, on remarquera l’ouverture en 2006 de la Librairie Prométhée et le lancement de la collection “Les Insoumis” aux Éditions des Belles Lettres. Deux aventures qui s'enracinent dans mon amour des livres.
Homme de passions, je me partage entre la philosophie politique, la littérature du 19e siècle et l’histoire des religions. Je pratique le bouddhisme dans l’école Zen Soto et l’épicurisme partout ailleurs.
NB : Les droits pour l'adaptation cinématographique de mon oeuvre sont encore disponibles. J'attends vos propositions :)
Livre
A.E.I.O.U.
Avril 1972, la guerre civile qui déchire la Belgique depuis plus de dix ans menace désormais de s’étendre aux pays voisins. Les terroristes flamingants sont parvenus à commettre un attentat à la bombe au plein cœur de Paris. Toute l’Europe est en alerte ; la France menace d’intervenir militairement. Chacun craint un emballement des grandes puissances et la possible réédition de la guerre paneuropéenne de 14-17.
À Vienne, Abraham Schlossel, Émissaire de l’Empereur d’Autriche-Hongrie, découvre son ordre de mission. Il doit pénétrer dans les zones en guerre, se mêler aux combattants nationalistes flamands et identifier les auteurs de l'attentat parisien. Porté par ses idéaux de paix et de progrès, le jeune dandy s’apprête à traverser l’Europe jusqu’à ces terres reculées et barbares. C’est le départ d’un grand voyage, le voyage au bout de la Flandre…
Dans ce premier roman, Patrick Smets, sociologue et philosophe, joue avec l'histoire et la politique belge. Il réinvente la Belgique et l'Europe, sous les traits d'une Belle Époque qui aurait perduré bien au-delà des guerres mondiales. Ce prétexte littéraire permet de conjuguer un roman d'aventure plein de rebondissements et une méditation contemporaine sur le sens de la liberté et de la civilisation.
Un succès d'estime sans cesse confirmé !
Extrait
Presque une heure avant d’arriver à Charleroi, alors que le train n’avait pas encore franchi la frontière, Abraham commença à apercevoir la célèbre tour Solvay-Frère. Monument à la gloire de la puissance industrielle wallonne, la tour était le bâtiment habité le plus haut d’Europe. Le gratin des ingénieurs belges s’était réuni pour concevoir une structure interne en double hélice convergente qui s’élevait jusqu’à 266 mètres de hauteur. La réalisation technique avait demandé le développement d’un acier souple - oui, souple ! - dont les aciéries carolorégiennes gardaient jalousement les secrets de fabrication.
Pour tous les investisseurs, c’était un phare. Elle était plantée dans la plus prodigieuse réserve de charbon d’Europe, dont la valeur augmentait au même rythme que les besoins énergétiques du continent, et signifiait à l’ensemble du monde : “Qu’importe la guerre civile tant que le charbon est là !”
Arrivé à quai, Abraham était encore plongé dans l’admiration de la tour qui dominait toute la ville. Autour du cône central, les architectes avaient développé 52 étages d’habitations, dont les terrasses semblaient s’enrouler en spirale, avec un léger décrochage qui rétrécissait progressivement la circonférence de la tour. Bien que plus élancé, le tout rappelait inévitablement la tour de Babel, telle que peinte par Bruegel l’ancien. La référence était voulue. Les centaines de cheminées des appartements de la tour n’aboutissaient pas sur le toit comme d’ordinaire, mais s’échappaient latéralement du dernier étage. Ainsi, vues d’en bas, les fumées des habitations camouflaient le haut de la tour et se mêlaient aux nuages. Il en résultait l’effet visuel extraordinaire d’une tour sans fin qui atteignait réellement le ciel.
Les Wallons avaient achevé et dépassé le projet babylonien.
Mais, Abraham ne pouvait se détourner d’une autre interprétation, qui n’avait jamais été formulée explicitement mais qu’aucun diplomate ne pouvait ignorer. La référence à la tour de Babel était double. Officiellement, on insistait sur la prouesse prométhéenne qui élevait l’homme moderne au niveau de Dieu. Mais, comme un sous-entendu, on laissait chacun se rappeler des causes de l’échec biblique. La tour Solvay-Frère évoquait aussi le danger du multilinguisme et les risques de désorganisation de l’industrie qui découlerait d’une ouverture aux revendications culturelles flamandes. L’ombre dominatrice qu’elle projetait sur le pays rappelait à tous les dirigeants belges l’engagement inflexible de la grande industrie contre le nationalisme flamand. Sur l’échiquier politique belge, les deux seules pièces importantes étaient la tour à Charleroi et le Roi à Bruxelles. L’une et l’autre se protégeaient et se contrôlaient mutuellement.
(A.E.I.O.U., pg 98-100)